La maison imaginée par le Belge Jean-Jacques Radelet en plein coeur du quartier Californie s’épanouit dans un écrin verdoyant autour de variations en gris mineur, de matériaux nobles et de végétaux qui pénètrent à l’intérieur. C’est une maison où l’on cultive une certaine idée de la sérénité.
Stylisme Deborah BENZAQUEN
Texte Valérie TAZI
Photos M. ROMLI
Cette maison a été faite par un homme pour un homme. Mais la démarche est originale en ce sens qu’elle est davantage psychologique qu’architecturale. Jean-Jacques Radelet, artiste peintre et sculpteur qui a commencé à dessiner des meubles avant de concevoir des maisons, s’est fait connaître avec le Barosa, la discothèque du Riad Salam, qu’il a entièrement décorée en blanc, il y a une dizaine d’années. Depuis, il a fait le Thaï Garden, le Piloti, le G-Sound, le Bistronome, l’Amnésia à Rabat et la décoration des Lady Fitness. Quand il fait une maison, il apprend d’abord à connaître ses futurs propriétaires. Pour celle-ci, il a passé une dizaine de semaines avec le maître des lieux. “On rentre dans un vrai dialogue psychologique, on fait les choses par rapport à ce que le propriétaire fait dans sa vie”explique Jean-Jacques. Cette maison est celle d’un homme pressé, confronté au stress à longueur de journées. Jean-Jacques avait carte blanche et pas de contraintes financières pour concevoir un espace dans lequel notre businessman se sentirait bien au point de ne plus avoir envie d’en sortir. Le postulat de départ était de concevoir une espèce de bulle de sérénité, une maison-jardin en y laissant entrer les arbres, un pan de ciel bleu, le clapotis d’une source, la rondeur d’un galet, la fraîcheur d’une pousse de bambou ou d’une branche de papyrus grâce à de grandes baies vitrées, des jeux de transparence, des puits de lumière végétalisés. Si la maison a une structure carrée c’est parce que le propriétaire est carré dans sa tête. Et si les matériaux utilisés sont nobles, c’est parce qu’il a le goût des belles choses. Rien n’est fait au hasard, tout est pensé en fonction du propriétaire des lieux. La façade crépie a été peinte en gris et les toits sont recouverts de galets. La piscine est collée à la baie vitrée du salon. Une plage de galets de 10 cm de profondeur permet de s’allonger sur des transats posés dans l’eau. Le carrelage noir de la piscine attire la chaleur et permet à l’eau d’être presque chaude. Le jardin qui est omniprésent se retrouve même dans la piscine. Les balcons en dalles de verre encastrées dans le béton sont sans armatures visuelles ce qui accentue les effets de transparence. Le jardin qui a été comme la maison conçue par Jean-Jacques est composé d’oliviers, de hauts palmiers, de bambous, de papyrus. Un haut mur d’eau recouvert de galets accueille le visiteur à l’entrée de la maison et donne sur une des grandes ouvertures vitrées.
Eveil des sens Pour Jean-Jacques, trois sens doivent être en éveil dès l’entrée d’une demeure. Ici la vue se pose simultanément sur la maison et le jardin, l’ouie est attirée par le bruit reposant de l’eau, l’odorat est titillé par les senteurs qui émanent des plantes du jardin. Dans l’entrée, une grande sculpture en bois flotté suffit à elle seule à remplir l’espace. Une commode composée de mille et une racines surmontées d’une grande dalle en verre est adossée à un escalier en marbre sans rampe. “Les souches de bois, les racines d’arbre sont des pièces uniques qui viennent d’Asie et qui représentent la beauté de l’art naturel, quelque chose que la nature nous a offert” explique Jean-Jacques.
Convivialité contemporaine Le propriétaire est un homme qui reçoit beaucoup, d’où l’idée du grand salon d’inspiration marocaine mais dans un style contemporain. Deux immenses canapés d’angle en gros lin gris se font face et encadrent un tapis en laine avec des motifs de galets en relief dans des dégradés de noir et gris posés sur des dalles blanches en poudre de marbre. Sur trois tables basses en inox brossé, des photophores en forme de cubes en métal frappé sont les seuls objets de décoration. “On a évité le superficiel, la profusion” déclare Jean- Jacques. Près d’une baie vitrée, un relax en cuir noir sur un pied en inox brossé est entouré de deux fauteuils.
Un tableau illuminé par derrière éclaire le salon, la nuit tombée, de manière intime. Dans le prolongement du salon, un coin télé est composé d’un canapé en lin couleur tabac adossé à un mur de bambou, qui fait entrer, une fois de plus, la végétation dans la maison. De l’autre côté, la baie vitrée donne sur le mur d’eau qui coule en cascade sur les galets. Tout est réuni ici pour vivre en harmonie avec l’apaisante nature.
La Salle à manger revêt un côté précieux qui répond au goût du propriétaire pour le beau et le chic. Les murs sont recouverts de carrelage artisanal italien en poudre d’or aux effets nacrés. Trois tables en bois gris qu’on peut assembler quand les invités sont nombreux sont entourées de chaises en cuir gris beige. Au mur, un miroir qui change de couleurs à l’aide d’une télécommande et des appliques composées de petites lamelles de miroir offrent un éclairage indirect et intime à la pièce.
Une cuisine ouverte et lumineuse La cuisine a été conçue autour d’un îlot central qui se termine par une grande table de salle à manger en hêtre californien faite sur mesure par la société belge Fahrenheit. L’électroménager (dont le combiné réfrigérateur-congélateur-cave à vins) en aluminium brossé s’harmonise parfaitement bien avec le hêtre. D’un côté, la cuisine donne sur un puits lumineux enfermant des bambous et de l’autre sur un plan d’eau avec des poissons rouges. Au-dessus de deux grands fauteuils blancs aux accoudoirs démesurés, un tableau noir et blanc créé par Jean-Jacques égrène des petites phrases pleines d’humour : « Soyez proches de vos amis et plus proches de vos ennemis », « Les plus beaux rendez- vous sont les rendez-vous clandestins »,…
Une terrasse épurée Comme l’intérieur de la maison, la terrasse est d’une extrême simplicité avec sa table en acier brossé et ses chaises en acier brossé et toile gris foncé.
Fluidité L’étage est composé de la chambre à coucher, de la salle de bains et du dressing qui communiquent entre eux puisque nulle porte n’entrave la circulation. On peut déambuler dans une sorte de labyrinthe qui donne de la fluidité aux déplacements. La salle de bains conçue comme un loft est immense et très lumineuse. Elle a été pensée comme un havre de paix pour que son propriétaire puisse s’y détendre après une journée harassante et s’y sentir complètement libre. Le plancher en wengé reconstitué a été choisi pour son aspect lisse et doux. Dans la douche gigantesque, on peut se laisser arroser par un grand pommeau à la recherche de sensations tropicales. La baignoire donne sur une grande fenêtre munie d’un rideau en fils de soie pour protéger l’intimité de ceux qui se baignent tout en leur permettant d’admirer le jardin. La baignoire est surmontée d’un gros coquillage en nacre dans lequel on peut ranger savons et gants de crin, et entourée de galets pour leurs vertus anti-dérapantes et parce qu’ils massent les pieds. Les vasques en Corian blanc laqué sont posées sur des meubles en bois clair. Les murs sont en ardoise incrustée de cristaux chromés. Le puits lumineux planté de bambous qui jouxte la cuisine au rez-de-chaussée se prolonge dans la salle de bains et y fait entrer la nature. La chambre est lumineuse et blanche. La tête de lit en cuir blanc est posée sur un mur de fils de soie. Ici on cultive la sérénité comme un art de vivre.