Fidèle à sa mission de défricheur de tendances, Maison & Objet s’adresse chaque année à des experts pour analyser les nouveaux comportements de consommation. Bonne nouvelle, l’éthique semble de plus en plus amenée à s’installer dans nos maisons. Interview exclusive de Vincent Grégoire, le tendanceur qui a piloté «The Virtuous Factory», le cœur vibrant et chargé d’ondes bienveillantes de Maison & Objet 2018.
Pour Vincent Grégoire de l’Agence NellyRodi, le retour à l’éthique est un vrai sujet de société qui ne peut être ignoré. «On a besoin de nouvelles règles d’une éthique plus vertueuse, de solutions alternatives allant dans le sens d’une altercroissance, d’une alterconsommation», souligne-t-il tout en ajoutant que l’éveil d’une conscience écologique ouvre des voies nouvelles vers un mode de vie engagé. Une création plus verte, plus sociale et plus locale peut fédérer, autour du bon sens, producteurs, commerçants et… consommateurs.
Justement, face à cette tendance, qui est le plus réactif, le producteur ou le distributeur?
Le consommateur! On commence à voir des initiatives au niveau des distributeurs et c’est encore plus timide chez les producteurs. Sous prétexte que «plus durable» signifie «plus cher», donc plus difficile à vendre, on ne fait pas d’effort. Mais aujourd’hui, le consommateur a conscience de disposer de deux armes : une carte de crédit et les réseaux sociaux.
Y a-t-il des régions du monde où le développement durable est plus fortement pris en compte?
Définitivement l’Asie et la Californie, le Nouveau Monde. Sans doute aussi parce que les conséquences environnementales sont, là-bas, une réalité. Cet été, nous avons été inondés d’images de forêts californiennes en feu, de vagues de déchets échouant sur les plages indonésiennes…
Mais la contestation est partout.
Il suffit de penser aux actions de désobéissance civiles, à l’activisme Vegan en France. Au sentiment de l’urgence environnementale, s’ajoute aussi le fait que les pauvres sont de plus en plus pauvres. La notion de virtuous est à penser sous les angles environnementaux mais aussi moraux et sociaux. Il s’agit d’avoir un produit de qualité, réalisé à travers un processus durable et responsable tout en rétribuant le travail à sa vraie valeur et en valorisant les savoir-faire, l’intelligence, la personnalité, les ressources…
La notion de virtuous peut-elle être vertueuse pour les marques?
Les millenials, les jeunes parents comme les personnes âgées sont particulièrement attentifs à la qualité des produits qu’ils achètent. Mais au-delà du seul aspect marketing, les marques vertueuses peuvent aussi être fières d’agir de manière philanthrope, bienveillante et altruiste. Etre virtuous est à la fois fédérateur et créateur de richesse. Des pays comme la Corée ou la Chine l’ont bien compris. On y voit émerger une véritable politique de mise en valeur des savoir-faire traditionnels et d’encouragement à la création et à l’innovation. Les résultats sont déjà là, avec le développement de produits novateurs orientés vers un meilleur bien-être ou porteurs de sens. Des produits qui s’exportent très bien.
Et le Maghreb
Il me semble que la tendance est encore à l’importation de produits haut de gamme. Je suis intervenu plusieurs fois au Maghreb mais il s’agissait souvent d’échanger sur les tendances mondiales et non de repérer des talents et des savoir-faire locaux qui pourraient être poussés à l’exportation. C’est dommage. Bien sûr, il y a des exportations de produits artisanaux mais au contenu local et folklorique important, pas toujours produit dans le vrai respect des artisans.