Après huit ans de travaux, Mohammed Lahlou Kitane, architecte et designer, a emménagé dans son appartement art déco du centre-ville de Casablanca. Il l’a transformé tout en préservant son esprit art déco, en y mêlant les styles et les époques, des années 50 aux années 70. Un bel hommage à un patrimoine en danger.
Stylisme : Yasmina OLFI
Photos : Noreddine DOUDOUHI
Texte : Marina BERRADA
C’est en traversant un des passages les plus connus du centre-ville de Casablanca que l’on accède à l’appartement. La cage d’escalier avec ses parements en marbre et sa cage d’ascenseur grillagée nous mettent tout de suite dans l’ambiance. Une fois à l’intérieur, nous sommes saisis par les volumes, les hauteurs sous plafond de 3,75, les sols qui nous transportent dans un autre monde, une autre époque. Quand Mohammed Lahlou Kitane a acheté cet appartement de 175 m2 situé près de la place des Nations Unies, il n’était pas occupé depuis 30 ans. Il fallait quasiment tout refaire. « On a décapé les murs et les plafonds, refait les enduits, l’installation électrique, la plomberie. J’ai laissé les plafonds bruts, ce qui me permet de me sentir dans un appartement ancien. J’ai même laissé les fissures apparentes » explique Mohammed. Il a fallu un mois de ponçage pour récupérer le sol. « J’ai refait les plinthes en marbre, enlevé les deux doubles portes qui menaient au salon et j’ai fait des coffrages en marbre noir ». L’architecte a également créé un sanitaire invité et a refait la salle de bain et la cuisine en marbre. Les portes ont été remplacées par des portes en hêtre teinté. Après ces travaux, Mohammed a pu emménager. Alors a commencé une autre étape, celle de l’ameublement qui l’a conduit à chiner mobilier et luminaires dans les marchés aux puces européens et casablancais (Derb Ghalef, Hay Hassani), mais aussi à revisiter, voire à transformer certains objets avec la complicité d’artisans qui le suivent dans ses délires.
Dans le salon, par exemple, le lampadaire a été réalisé à partir d’une structure métallique trouvée à la ferraille, poncée et peinte. Le lustre est une première édition de Gino Serfati. Les fauteuils noirs en cuir créés par le designer italien Castelli ont été chinés. Les tables d’appoint ont été dessinées par Mohammed et se composent d’un plateau en marbre et de pieds en laiton. La sobriété du canapé et des deux fauteuils Nest de Piero Lisoni pour Cassina (chez Fenêtre sur cour) s’accorde bien à l’esprit des lieux.
Dans la salle à manger, Mohammed a mélangé le style scandinave (la table, le buffet et la chaise bistrot) à du mobilier des années 50 (les chaises Eames pour Herman Miller chez Trarem). Le miroir de brasserie a été chiné, tout comme les lampes en plexi glass des années 70 de Luigi Massoni pour iGuzzini. Quant au lustre, c’est une structure achetée à un marchand ambulant et transformée par des dinandiers de Fès.
Un grand couloir dessert trois chambres. Dans la chambre de Mohammed, la tête de lit est en cuir et en bois lambrissé, brossé, teinté et verni. Des bougeoirs chinés en Europe diffusent une lumière tamisée. La chaise est signée Eames pour Herman Miller (chez Trarem) et la suspension chinée a été repeinte en noir. Ici comme dans toutes les autres pièces de l’appartement, l’atmosphère est épurée et résolument masculine.
Le bureau scandinave a été reverni. La chaise Eero Saarinen créée en 1951 est aujourd’hui éditée par Knoll International. Les classeurs ont été également chinés. La suspension Canopy i maginée e n 2 009 p ar F rancesco R ota p our l a maison de luminaire italienne Oluce se caractérise par son grand abat-jour qui s’inspire d’une icône du design : la suspension Magistretti Sonara.
Dans la salle de bain, Mohammed a remplacé le carrelage blanc par du marbre marocain noir veiné de blanc qui fait purement art déco. Il a dessiné les étagères, conçu les meubles.
Mohammed Lahlou qui a fait ses études à Paris (à la prestigieuse école d’architecture du quai Malaquais) a ensuite travaillé avec Christophe Pillet à Paris puis au Maroc (le 25 à Casablanca, La Maison Blanche et l’hôtel Sahrai à Fès) avant de créer son agence. Son appartement est à ce jour sa plus belle carte de visite, un exemple réussi de réhabilitation qui respecte l’esprit des lieux et participe à la préservation d’un patrimoine en danger.