Sur les hauteurs d’Anfa,
Une maison traversée de lumière

Entre minéralité brute et porosité végétale, cette maison pensée par Othmane Lahlou — sous la supervision d’Amine Mekouar — explore une fluidité maîtrisée des circulations. Les volumes s’articulent dans une continuité lisible, portée par une grammaire de matières franches, de lumières dosées et de mobiliers intégrés. Un projet où l’architecture cadre sans figer, et laisse le vivant occuper le terrain.

Photos Alessio Mei

 

Dès les premiers pas, le ton est donné. L’approche se fait par un chemin suspendu, composé de dalles flottantes en pierre claire qui semblent léviter au-dessus du sol ocre. Encadrée d’une végétation tropicale foisonnante – palmiers, bananiers, feuillages exubérants – l’entrée devient un sas sensoriel entre nature et architecture.
Le contraste entre les lignes pures de la façade blanche et l’exubérance botanique crée un effet cinématographique : l’on passe d’un jardin jungle à une architecture presque méditative. La transition est douce, immersive, comme une inspiration lente avant de pénétrer dans l’univers intérieur.

À l’intérieur, dès le seuil franchi, un premier dialogue s’installe entre design iconique et matière brute. La chaise longue LC4 repose devant une rampe monumentale en acier patiné, appuyée sur un mur de béton coffré. Le fauteuil, tendu de cuir bleu pâle, est accompagné d’une table ronde en verre fumé et piètement noir — une composition à la fois graphique et aérienne. Une pause design qui annonce la suite, tout en suggérant déjà une vision architecturale sensible et cultivée.

Le regard est ensuite naturellement guidé vers le cœur de la maison : un salon aux dimensions généreuses, centré autour d’une imposante cheminée verticale en panneaux de béton brut. Les vis apparentes, les lignes droites, la texture mate… tout ici évoque une esthétique brutaliste assumée, mais jamais froide.

La méridienne en rouleaux de cuir terracotta, presque architectonique, structure l’espace face à un canapé bouclé ivoire. Les tables basses jouent entre noir laqué et bois profond. La double hauteur du plafond, les voilages fluides et les baies vitrées sur le jardin créent une respiration luxueuse. C’est un espace manifeste, puissant mais apaisé.

 

En retrait, mais dans le prolongement du salon, un coin bibliothèque s’inscrit dans une alcôve boisée. Une étagère intégrée en noyer rythme le mur de ses niches verticales, joue sur les pleins et les vides. Livres, céramiques abstraites, objets graphiques : tout y est choisi avec soin, dans un équilibre visuel assumé.

Visible à travers les grandes baies du salon comme de la salle à manger, une sculpture de Gauthier Genet devient un repère visuel central, elle agit comme un point d’ancrage spatial et symbolique. Sa géométrie facettée en acier corten, teintée de rouille chaude, crée une tension visuelle avec la nature environnante et les lignes de la maison. Positionnée entre intérieur et extérieur, elle devient un marqueur spatial et poétique, un repère qui articule les volumes avec discrétion.

 

 

En retrait, mais dans le prolongement du salon, un coin bibliothèque s’inscrit dans une alcôve boisée. Une étagère intégrée en noyer rythme le mur de ses niches verticales, joue sur les pleins et les vides. Livres, céramiques abstraites, objets graphiques : tout y est choisi avec soin, dans un équilibre visuel assumé.
Un canapé en velours brun profond complète la scène, associé à deux tables basses noires aux volumes ronds. L’espace se densifie tout en gardant une sensation de calme. L’ensemble forme une alcôve intellectuelle, enveloppante, comme un contrepoint au volume majestueux du salon.

Dans l’alignement du séjour, la salle à manger s’ouvre avec solennité. Le béton du mur arrière reste visible, ponctué d’inserts circulaires qui en révèlent le mode de fabrication. Une grande table en bois massif, aux lignes nettes, est accompagnée de chaises bouclées claires qui en adoucissent la force.

Sur la console, deux luminaires baroques viennent encadrer une œuvre originale de Picasso, encadrée sobrement. Présente, discrète, cette œuvre renforce le caractère du lieu, apportant une densité culturelle à l’ensemble. L’agencement est clair, frontal, presque cérémonial dans sa manière de mettre en scène les matières et les lignes.

Dans une pièce plus discrète, la salle d’eau impose une présence minérale affirmée. Le plan vasque, taillé dans une pierre sombre et brute, garde l’irrégularité de son contour naturel. Cette matière rugueuse entre en tension parfaite avec les deux miroirs aux formes organiques, presque liquides, suspendus au mur.
La lumière est posée, dirigée, jouant des contrastes entre les surfaces mates et brillantes. Deux suspensions noires, fines et graphiques, encadrent la scène. Les détails — robinets cuivrés, bougies, flacons — accentuent cette impression d’espace pensé dans ses moindres textures.

À l’arrière de la maison, le jardin s’ouvre comme une respiration. Les lignes minérales, sobres et claires, dessinent une scène paisible où la végétation, dense mais maîtrisée, compose une toile vivante. Les bananiers géants, les strelitzias, les cycas et les massifs de feuillage large créent une ambiance tropicale, presque insulaire, tout en ménageant des vues vers la piscine et la terrasse.
Les éléments de mobilier outdoor — méridiennes, assises en tissu sable, tables aux lignes organiques — s’inscrivent dans cette esthétique douce et naturelle. Ici, aucun effet forcé : la composition est pensée pour disparaître dans le paysage, dans une continuité évidente avec l’intérieur. Le jardin n’est pas une pièce en plus, mais un prolongement spatial à part entière.