
Que diraient tes œuvres que tu n’as jamais osé exprimer avec des mots ?
Elles diraient tout ce que le langage laisse derrière lui. Elles porteraient ces émotions enfouies dans des zones que ni l’alphabet, ni la syntaxe ne savent traverser. À travers mes toiles, je dépose ce que je n’arrive pas à formuler. C’est une forme de mise à nu, sans filtre ni détour. Je ne cherche pas à illustrer, mais à libérer. Une fois l’œuvre achevée, je me sens allégé, presque dissous. Comme si peindre me permettait de me débarrasser d’un trop-plein. D’une charge.
L’art contemporain marocain connaît une effervescence nouvelle. Où te situes-tu dans ce paysage mouvant ?
Je me situe là où la continuité importe plus que l’effet de nouveauté. Je ne cherche pas à appartenir à un courant, mais à me relier à ce qui précède. Mon travail tente de créer des ponts — entre générations, entre gestes passés et urgences actuelles. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de rompre, mais d’étendre. De proposer une tension, parfois critique, mais toujours ancrée dans une mémoire collective. Le présent ne suffit pas. L’histoire, même invisible, continue de parler.
Qu’est-ce qui précède le geste chez toi : une émotion, une image ou une phrase ?
Souvent, rien de tout ça. Juste un état. Une vibration. Une dissonance intérieure. Ça peut surgir en pleine rue, au milieu du bruit, ou en voiture, sur une musique trop forte. Il y a un moment où quelque chose insiste, sans se formuler. Je ne planifie pas. Je ne décide pas. L’envie de peindre arrive sans structure, mais avec une clarté soudaine. Et quand ce moment se présente, je me tiens devant la toile, sans justification, avec une seule chose en main : le besoin de faire.
@reda_kanzaoui