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Ilyas Meftah : «Nous voulons offrir un autre regard sur notre héritage millénaire»

By août 1, 2017juin 7th, 2021No Comments

Ilyas Meftah est le directeur artistique de la toute jeune Maison Meftah qu’il a fondée avec son frère Adil, et sa soeur Mounia. Sa vocation ? «Provoquer la collision et la fusion entre un concept artistique résolument contemporain et des techniques de travail de la matière qui se subliment l’un l’autre». Oeuvrer aux confins de l’artisanat et du design pour nous livrer les secrets d’oeuvres riches de milliers d’heures de conception et d’un savoir-faire séculaire, les secrets d’un dialogue entre artisan et designer les ayant conduits au dépassement de soi. D’Agadir où l’atelier est installé, Ilyas nous explique la genèse de la maison et de leur première collection Incandescence née d’un constat «quand on ne se retrouve pas dans ce qui se trouve autour de nous, on l’invente».

Photos : Jean-Claude LAFFITTE

 

 

 

Comment est née la Maison Meftah ?
C’est un rêve que nous nous sommes construit avec mon frère Adil et que nous avons décidé de réaliser. Je me souviens encore de notre première discussion et nos premiers croquis.  Adil habitant Paris, et moi Agadir, c’est autour d’un déjeuner à Marrakech que tout a commencé. Nous avons évoqué les trésors de savoir-faire que renferme notre patrimoine d’arts décoratifs, et nous avons ressenti l’envie de le dévoiler à travers un regard renouvelé, inédit.
C’est ainsi que La Maison Meftah a vu le jour, pensée comme un lieu de collision entre création artistique contemporaine et savoir-faire ancestral.

Quels sont vos parcours respectifs ?
Pour ma part, je suis architecte, formé à l’école de Paris La Villette. J’ai débuté ma carrière en Suisse, à Bern, au sein du Cabinet ARB. Ces deux pays m’ont apporté deux approches différentes de l’architecture que l’on retrouve d’ailleurs dans mon style de création : d’une passion pour les concepts abstraits et une recherche de volumes développées en France, à un souci poussé du détail caractérisant l’approche suisse.
Adil est ingénieur. Il est passé par le parcours classique des classes préparatoires et Grandes Ecoles françaises, complété par un MBA à l’INSEAD. Il a commencé sa carrière comme consultant chez McKinsey & Company, avant de se lancer dans l’aventure de la Maison Meftah.
Mounia vient du monde du Business Development et du Marketing. Elle a suivi un cursus de Stratégie d’Entreprise à Dauphine, ainsi qu’un Master en International Business Management. Elle a ensuite travaillé 5 ans à Paris dans le développement commercial auprès du numéro 1 Européen de l’expérience client.

Comment se sont répartis les rôles ?
Chacun apporte sa touche à l’identité de la Maison Meftah. Ayant des visions et des parcours complémentaires, les rôles se sont répartis très naturellement. .
En tant que Directeur Artistique, je supervise les aspects artistique et technique des œuvres, de la première esquisse aux dernières finitions.  Mon rôle est d’orchestrer le processus central à la genèse de toutes nos œuvres – cet échange permanent entre nos maîtres-artisans et les auteurs – artistes ou designers – de nos œuvres. Pour notre premier thème – Incandescence – j’ai également endossé le rôle d’artiste-auteur.
Adil veille à retrouver l’esprit originel, l’esprit des maîtres-artisans d’antan, qui passaient des milliers d’heures à façonner de leurs mains des œuvres parfois monumentales. En tant que Directeur Général, il s’assure que tous les ingrédients clés sont en place pour que la Maison exprime toute son identité à travers ses œuvres.
Mounia est notre ambassadrice à l’international, son rôle est de faire découvrir nos œuvres et les trésors du Maroc à travers le monde. Elle est en charge de la stratégie commerciale et du développement des partenariats de la Maison Meftah.

Comment est venue l’idée de créer autour de la dinanderie ?
La dinanderie est cet univers magique, qui crée une émotion par sa matière, son élégance, sa finesse, ses jeux de transparence. A la lumière de mon expérience en design et en architecture en dehors de ma culture d’origine, j’ai perçu dans la dinanderie un potentiel de réinterprétation avant-gardiste des savoir-faire repoussant les limites de la technique traditionnelle, pouvant donner lieu à des créations hors du commun.

De quelle manière interprétez-vous cet art ?
On lui permet simplement de s’affranchir dans un espace de liberté de création, de foisonnement des concepts, de recherche et de perpétuel renouveau. Un dialogue et une longue démarche de recherche sur la géométrie, les formes, les techniques sont initiés pour chacune de nos œuvres. Elles sont le fruit de cette collaboration entre l’architecte designer, l’artiste, l’artisan et l’ingénieur, de cette fusion des univers. Nous nous reconnaissons dans cette citation de Vassily Kandinsky, suite à la visite d’une collection d’œuvres d’art islamique : «Concilier l’inconciliable : une simplicité quasi barbare et une profusion à vous donner le vertige».
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Cela va d’artistes comme Donald Judd dans son rapport aux formes et à la matière à James Turrel pour son travail autant artistique que scientifique sur l’espace et la lumière. En tant qu’architecte je trouve également mon inspiration chez des grands comme Tadao Ando pour qui la lumière est un élément essentiel à son architecture, elle «confère une existence aux objets en reliant l’espace et la forme» et Renzo Piano dans ses process d’expérimentation et son penchant prononcé pour la contrainte qui font que chaque projet est totalement différent. Selon lui, “un travail créatif sans contraintes, c’est une folie, une horreur, la page blanche. S’il n’y a pas de contraintes, vous les cherchez, qu’elles soient physiques, climatiques ou historiques. Quitte à y désobéir. Vous écoutez les gens et si personne ne s’exprime, vous écoutez le silence car, parfois, les choses ou les lieux parlent, le fameux «genius loci» (génie du lieu).»

Qu’est-ce qui différencie vos créations de celles des autres dinandiers ?
Lors d’une exposition d’une de nos œuvres à Paris, un sculpteur danois l’a qualifiée d’œuvre «telle que l’on se les permettait il y a 500 ans, et telle que l’on croyait ne plus pouvoir se les permettre». Cela décrit assez bien notre démarche.
En fait, je ne pense pas que nous puissions nous définir comme des dinandiers ou nous enfermer dans un corps de métier, dans le sens ou le choix de la dinanderie a été le choix d’une technique de travail de la matière.
Le principe  guidant invariablement notre démarche créative reste la recherche d’un angle idéal pour provoquer la collision et la fusion entre un concept artistique résolument moderne et cette technique de travail de la matière qui se subliment l’un l’autre.
Et c’est ce Maelstrom ni complètement art, ni complètement design, ni complètement artisanat qui laisse place à des artéfacts uniques que nous qualifions, au sein de notre Maison, de «Sui Generis», de leur propre genre.  Ce dont je vous parle vous paraîtra plus frappant dans un thème sur lequel nous travaillons en ce moment, et qui devrait bientôt voir le jour.

Vous êtes installés
à Agadir où vous qualifiez votre atelier de laboratoire. Est-ce parce que vous êtes dans l’expérimentation perpétuelle ?
Tout le processus de genèse de nos œuvres n’est qu’expérimentation. Il commence par une phase de recherche et d’inspiration lors de laquelle nous explorons les univers artistiques sans rien nous interdire a priori, puis viennent les premiers coups de crayons, les croquis conceptuels et les maquettes d’exécution jusqu’à aboutir au premier prototype à l’issue d’un processus qui peut durer plusieurs mois. Nous expérimentons sans cesse, à plusieurs niveaux. C’est le moteur de notre Maison.
Au niveau artistique, nous sommes constamment à la recherche du concept qui offrira un autre regard, un autre angle de vue sur notre Héritage millénaire.
Au niveau des savoir-faire, nous agrandissons sans cesse notre répertoire de techniques, que nous repoussons dans leurs derniers retranchements, tout en respectant leur esprit.
Enfin, c’est notre processus créatif lui-même qui est objet d’expérimentation. Pour les œuvres de notre prochain thème, notre démarche brouille les frontières entre création et exécution. L’artiste et le maître-artisan développent l’œuvre simultanément, ne pouvant avancer l’un sans l’autre.

Comment avez-vous constitué votre équipe d’artisans ?
Nous recherchions des maîtres-artisans rassemblant plusieurs qualités. L’excellence dans la maîtrise de leur art, la patience pour une recherche sans relâche de la perfection sans compromis, quitte à recommencer encore et encore, ainsi que l’ouverture d’esprit nécessaire pour transcender les codes en place et travailler avec des artistes aux sensibilités très différentes.
Après de longues recherches à travers tout le Royaume, nous nous sommes tournés vers le métier de l’orfèvrerie où nous avons rencontré quelques maîtres artisans au talent exceptionnel qui ont formé le noyau de notre atelier.

Proposez-vous du sur-mesure ?
Pas exactement, mais notre service Legacy propose également, au client qui se sent une âme de mécène, de libérer l’art et le savoir-faire de Meftah dans le cadre d’une commande spéciale adaptée à son espace et à son caractère propre. Le client plonge au cœur du processus créatif au fil des échanges, pour la création d’un artefact fruit d’une rencontre entre notre philosophie de l’objet et la sensibilité propre à chaque commanditaire.

Parlez-nous de votre collection Incandescence.
Unité, icône de la collection Incandescence réalisée en 7 exemplaires numérotés, représente la quintessence de la collection, son expression la plus pure. C’est une sculpture luminaire, composée d’une forme cubique en laiton ajouré se reflétant sur une surface en laiton poli miroir. Elle incarne parfaitement, dans sa composition, sa réalisation, et l’expérience sensorielle qu’elle suscite, l’esprit des œuvres Meftah.
L’ajourage fin à la scie bocfil par nos maîtres dinandiers, génère une dentelle sublimée par la lumière, dont les ombres projetées repoussent les frontières de l’objet.
La forme cubique, à la structure dématérialisée, semble se mouvoir selon l’angle de contemplation, jusqu’à s’évanouir momentanément, faisant oublier les quelque 1500 heures de travail nécessaires à sa réalisation au sein de nos ateliers.
Déclinée à partir de cette œuvre icône, la collection Incandescence comprend également Altérité (7 exemplaires numérotés), Ubiquité (19 exemplaires numérotés), et Infinité (23 exemplaires numérotés).

Avez-vous l’intention d’explorer d’autres savoir-faire artisanaux dans vos prochaines collections ?
Nous sommes sans cesse dans une démarche d’exploration de nouveaux savoir-faire. Néanmoins, nous n’en sommes encore qu’à nos débuts dans l’exploration de tout l’univers qu’offrent les trésors de la dinanderie. Une prochaine étape consiste par exemple à explorer des patines de métaux plus exotiques que ce que nous utilisons aujourd’hui.
Nous avons dans l’idée que l’ébénisterie pourrait un jour apporter une autre dimension à nos œuvres. Mais pour cela, nous nous laisserons guider au gré de nos collaborations avec de nouveaux artistes.

Où peut-on découvrir vos œuvres ?
Nous sélectionnons actuellement les galeries et lieux qui nous représenteront dans quelques grandes capitales européennes, en Asie ainsi qu’au Maroc.
Vous pouvez avoir un aperçu de notre Maison et de nos œuvres sur notre site. www.maisonmeftah.com Vous y trouverez notre actualité et nos prochaines expositions.
Maison Meftah : contact@maisonmeftah.com